Archive for février 2011

Sun Ra – The World Is Not My Home (Jazzman, 2010)

27 février 2011

Comme pour achever de me convaincre de succomber définitivement aux charmes de la musique de Sun Ra, Jazzman a publié un second (et dernier) volume consacré aux singles de Sun Ra. Il est daté de 2010 sur Discogs mais je n’ai eu vent de son existence qu’en janvier dernier. Là encore ce fut la croix et la bannière pour trouver une copie. Après des heures et des heures de recherches infructueuses sur le net, j’avais laissé tombé. Quand à la fin du mois de janvier je suis allé faire un tour au centre ville de Nantes – je n’y étais pas allé depuis longtemps – l’idée lumineuse me vint d’aller faire un tour chez Mélomane (très bon disquaire nantais). On y trouve souvent des choses intéressantes et pas courantes. J’y traîne ma copine, lui promettant que ça ne sera pas long. Mince, rien, et pourtant j’ai ratissé tous les bacs. Par acquis de conscience je demande au disquaire s’il n’aurait pas la dernière compilation triple 45T des singles de Sun Ra. Magie, il en a commandé 5 exemplaires. 3 sont réservés, le 4ème est pour lui. Il en reste un. C’est pour moi.

Il arrive la semaine suivante. Je tiens enfin dans mes mains l’objet tant convoité. The world is not my home, reprend la même pochette que le précédent volume.  Elle se déplie en 3 panneaux mais cette fois-ci la sérigraphie est argentée. Les vinyles sont transparents et en plus il y a un tapis aux motifs fluorescents sur lequel on peut poser les disques pour les jouer (cf. vidéo ci-dessous). Le Pied !

The world is not my home prouve une nouvelle fois à quel point la discographie de Sun Ra est un vrai boxon. Par exemple le premier titre, A foggy day a été enregistré entre 1954 et 1955 mais n’a été utilisé en single qu’en 1983. C’est une composition des frères Gershwin que Sun Ra a enregistrée avec le groupe de doo-wop, The Nu Sound. Le morceau est très beau, dans la lignée de Dreaming, présenté dans le volume 1, mais sans accompagnement instrumental.

October est quant à lui plus sombre. Il s’ouvre par un appel des cuivres à l’unisson qui fait penser au son d’une corne de brume. La première partie du morceau est une marche funèbre mais elle se transforme à mi chemin en une ballade jouée de manière presque normale.

Blues on Planet Mars, est comme son nom l’indique, un blues. Le morceau est issu des mêmes sessions qui ont donné l’album Atlantis. On peut y entendre les sonorités étranges et lugubres du clavinet électronique de Sun Ra. Les réglages de l’instrument s’inspirent de la musique baroque.

Sur la compilation se trouve la première version connue de Mayan Temple. Ce titre met lui aussi en avant les sonorités étranges des claviers électroniques de Sun Ra. Elles sont cependant ici, plus futuristes que lugubres. Des clusters de notes aiguës et métalliques explosent de part et d’autre d’une ligne mélodique jouée au moog. Elles accompagnent un solo poignant et intense de Marshall Allen dont le hautbois aux sonorités nasillardes évoque l’orient.

Le dernier 45T est le seul a respecter le couple face A / face B d’origine. Tous les autres étaient des associations de différents morceaux piochés sur les 12 singles (soit, 24 morceaux) publiés par Saturn, le label de Sun Ra. Disco 2100 et Sky Blues (Live) ont tous deux été enregistrés live en Italie le 23 janvier 1978. Sky Blues (Live) est un superbe morceau de funk.  Disco 2100 est quant à lui une version courte de Disco 3000 qui durait à la base 25 minutes.  C’est un grand moment de bordel cosmico surréaliste. Des parties de claviers électroniques très free y sont accompagnées par une ligne mélodique sautillante jouée en boucle. Là encore j’aimerai voir ce morceau servir d’accompagnement sonore à un spectacle de fin d’année d’une école primaire.

Ce qu’il y a de bien avec la musique de Sun Ra c’est qu’on s’éclate vraiment en l’écoutant. Mais qu’en auraient pensé les Muppets ?

Sun Ra – The Shadows Cast By Tomorrow (Jazzman, 2010)

26 février 2011

Pendant longtemps je ne me suis pas trop intéressé à Sun Ra. En tant que fan de free jazz, j’en avais forcément entendu parler (en bien) mais à chaque fois que je tentais d’écouter des morceaux, je restais sur ma faim. Il faut dire que les choses avaient mal commencé. Quand au début des années 2000 je découvrais le nom de Sun Ra c’était le plus souvent avec l’étiquette free jazz collée dessus. Hors pour moi à l’époque free jazz rimait plus ou moins avec Impulse !. Hors Sun Ra est bien loin des sonorités et de l’esthétique propres ce vénérable et oh combien magnifique label. J’étais donc assez perplexe et ne savais pas trop quoi faire du gus. Cette musique échappait à toute classification et comme bien souvent quand j’écoute quelque chose pensant découvrir une musique rentrant dans une certaine catégorie et qu’elle n’a au final rien à voir avec cette dernière, je mets de côté pour y revenir plus tard. Il m’était arrivé exactement la même chose avec les Talking Heads. Au détour d’un vide grenier je mets la main sur Remain In Light. Je pense alors avoir dégotté un super album de punk (j’avais déjà des doutes car la pochette ne faisait pas punk du tout). Imaginez ma surprise quand je mets le vinyle sur la platine et que les premières notes résonnent. Bon je m’égare, revenons en à Sun Ra. Donc, j’étais perplexe et un peu perdu. Je me disais que non franchement Sun Ra ça ne ressemblait à rien et pour ne rien arranger à l’affaire, un copain m’avait donné une quantité prodigieuse de mp3, une trentaine d’albums d’un coup ce qui acheva définitivement de me perdre dans les méandres de la musique de Sun Ra.

Avance rapide, 2010. Je vois débarquer sur une compilation de trois 45T de Sun Ra présentés dans une superbe pochette dépliante 3 panneaux, sérigraphiée à l’encre dorée, numérotée (999 exemplaires) et summum de la classe et du bon goût les vinyles brillent dans le noir (remarquez la nouvelle catégorie créée tout spécialement pour l’occasion : ces objets de désir). L’objet est magnifique et en plus je me suis pris affection pour le format 45T (format pop par excellence) donc je décide de tenter ma chance. L’idée de découvrir ces singles (rares qui plus est, certains étaient encore inconnus jusqu’à une période assez récente. Il faut dire que la discographie de Sun Ra est un bordel sans nom) dans leur format original me séduisait. Certains singles ne sont pas à proprement parler des inédits mais des versions alternatives de morceaux qui se trouvent sur des albums. A titre indicatif on a répertorié quelques 150 versions différentes de Love In Outer Space. De plus les 2 ou 3 minutes que dure une face seront plus digestes que les 45 minutes que dure un album, ce qui en fait une porte d’entrée plutôt bienvenue vers l’univers délirant du musicien. Je vous passe les détails de ma galère pour mettre la main sur une copie à un prix décent. Elles se sont en effet toutes volatilisées en quelques heures.

Depuis que j’ai The Shadow Cast By Tomorrow je m’éclate comme un gosse avec mes vinyles (je vous rappelle qu’ils brillent dans le noir). Il faut dire que le format 45T convient à merveille à la musique. Les 6 morceaux présentés ici sont vraiment excellents mais je comprends que je sois passé complètement à côté à l’époque.

Dreaming (La vidéo en lien présente 7 morceaux. Dreaming est le troisième morceau, il commence à partir de 2’50 ») qui ouvre le bal date de 1955 ou 1956 (quand je vous disais que la discographie de Sun Ra était un vrai bordel…) est un petit bijou de doo-wop céleste. Il a été enregistré par The cosmic rays, l’un des groupes de doo-wop auxquels a participé Sun Ra dans les années 50.

The Sun Man Speaks voit le chanteur de R&B Yochanna prendre le devant de la scène. Avec sa façon excentrique de chanter il dynamite complètement le swing de morceau. Il lui insuffle une énergie rock’n roll et complètement dégantée.

Rocket #9 et Love In Outer Space, comme leurs noms l’indiquent, sont des odes à l’espace, tandis que Enlightenment (dont la première version apparaît sur l’album Jazz in Silhouette) fait figure de valse ivre et vacillante.

Last but not least, The Perfect Man, élu meilleur morceau du monde du jour, est un irrésistible moment de funk cosmico rigolo que je rêverais de voir utilisé comme bande son pour le spectacle de fin d’année d’une école primaire. J’imagine déjà les costumes spatiaux et les aliens aux tentacules de cartons s’animer dans une chorégraphie débridée pour le plus grand bonheur des enfants mais sous les regards perplexes et médusés des parents.

Je suis définitivement acquis à la cause de Sun Ra.


Duke Ellington – Black & Tan Fantasy (1929)

26 février 2011

The XX – XX (Young Turks, 2009)

26 février 2011

XX aura fait couler beaucoup d’encre. Difficile de passer à côté de sa sortie. Hype comme on dit maintenant.

Alors même que je commençais à décrocher de la scène indé et que le revival cold wave/année 80 commençait à sérieusement me taper sur le système, les XX ont débarqué et ont réussi à insuffler de la fraîcheur en reprenant la plupart des poncifs du genre: chant distant, basses rampantes, guitares cristallines, atmosphères neurasthéniques. D’une certaine manière, il est vrai que les XX ne proposent rien de neuf, rien qui n’est été entendu des dizaines de fois auparavant. Ils le font cependant avec une fraîcheur rare et précieuse. Ils se situent à l’extrême opposé de groupes tels que The Horrors. Primary Colours (quelle subtile référence, j’aurais dû me méfier…), leur dernier album en date, m’avait dans un premier temps fortement impressionné, j’avais même failli l’acheter. Je les ai ensuite vus en concert à la Route du Rock en 2009: j’ai écouté 2 chansons et je suis allé au bar. Ces mecs sont des clichés, des poseurs. Ils sont très compétents, certes. Ils connaissent leurs classiques sur le bout des doigts. Ils ont digéré jusqu’au plus infime détail de coiffure l’esthétique cold wave et la restituent avec brio. C’est bien le problème. Tout est trop parfait, calculé. Ils jouent un rôle, ils appliquent des recettes. Aussi savoureux que soit le résultat c’est précisément ce qui m’horripile le plus au monde. Ils sont déjà vieux, ils ressassent.

A l’inverse, les XX sont jeunes. Ils le sont aussi à l’état civil, les deux filles et les deux garçons ont une moyenne d’âge de 19 ans, et c’est peut être justement grâce à ce jeune âge qu’ils ne sont pas écrasés par le poids de l’héritage de leurs aînés. Ils sonnent comme s’ils inventaient la cold wave, sans jamais s’excuser de ne pas avoir eu 20 ans en 1980. Ils ont l’assurance de la jeunesse et cela fait plaisir. Les Young Marble Giants et la dubstep s’unissent sans aucun jugement de valeur. XX a le son du Londres des années 2000. Aucune nostalgie, le présent est là, le spleen et la candeur de l’adolescence n’a pas d’époque. Avec ce mélange des genres, le groupe a miraculeusement développé une identité, un son instantanément reconnaissable qui lui est propre.

J’aime XX pour sa sobriété. C’est par ailleurs la production, limpide et inventive qui permet aux chansons, d’une simplicité parfois désarmante, de ne pas s’écrouler. Les titres sont courts. les XX ne tournent pas autours du pot. Tout est direct et frontal. Les chansons se finissent même souvent de manière abrupte, en queue de poisson, pour laisser place à la suivante. Du coup, malgré la neurasthénie, le sentiment d’urgence et la tension sont quand même là. Étonnamment la musique ne sonne jamais sinistre. Elle n’est pas plombée par une noirceur écrasante. Elle est noire mais pas sans espoir, pas désespérée. Juste un peu déprimée, pas dépressive. Comme beaucoup de musiques qui me touchent elle incarne l’adolescence éternelle. Entre enfance et âge adulte, mal à l’aise, habillée en noir donc, elle est cependant prête à en découdre avec l’avenir. Je pense souvent au In My Room des Beach Boys mais enregistré en 2010 dans un quartier pourri de Londres. Alors bien sûr, ici pas d’harmonies vocales à couper le souffle mais une jolie alternance entre une voix de garçon et une voix de fille. Deux voix jeunes, sensuelles et touchantes.

Bien souvent les compositions reposent sur peu d’éléments. Pour VCR se sont les quelques notes de xylophone d’entrée et une ligne de guitare. Pour la petite histoire, c’est avec cette chanson que j’ai succombé à l’album. C’est en l’entendant par hasard chez Bernard Lenoir, sans qu’elle soit annoncée, que j’ai été séduit par sa pureté et sa simplicité. A l’inverse quand je l’avais écoutée les premières fois avec une oreille avide, elle m’avait laissé de marbre. J’avais bien failli passer à côté du groupe. C’est parfois le problème quand on écoute un titre en faisant la démarche de la découverte, après en avoir entendu parler dans un magazine ou sur un blog : on en attend quelque chose. Quand on est pris par surprise, on n’est pas sur ses gardes et donc plus enclin à être étonné et connaître le grand frisson de la stupeur pop.

Islands est assurément l’un des titres les plus accrocheur de l’album, j’aurais pu également succomber avec lui. Il fourmille d’idées mais celles-ci ne durent jamais plus de quelques secondes. La géniale boucle de guitare d’intro (admirablement bien traduit dans le clip) un break par ci, deux notes de guitare en contrepoint par là. Cette façon de faire des XX se retrouve sur quasiment tous les titres dont notamment, Basic Space, autre single évident. L’intro est minimaliste à souhait un accord de synthé, deux notes de basse et des bruissements de percussions légères. Alors quand le refrain part d’un coup et que les beats métronomiques font leur apparition, difficile de ne pas bouger la tête en rythme. Après la chanson évolue de manière constante et subtile, les instruments vont et viennent, apparaissent et disparaissent. Le rythme régulier devient subitement et momentanément syncopé, l’espace d’une seconde la basse rigide prend des allures funky, le tout avec une fluidité et une aisance déconcertante. Autre exemple avec Heart skipped a beat : à 1’11 », une fausse monté de 15 secondes qui s’arrête net avant de laisser la place à des beats plus prononcés qui eux dureront 20 secondes avant que la chanson ne retombe dans une douce mélancolie. A 2’22 » une ligne de guitare commence mais la chanson ne prend toute son ampleur qu’à 3’03 » et cela pour uniquement 30 secondes. Même configuration pour Night Time qui ne décolle pratiquement qu’à la fin. Une chanson des XX c’est un peu comme un épisode des Simpson, le début n’a absolument rien à voir avec la fin. Il y a toujours des histoires dans l’histoire.

Les XX ont le sens de la mise en scène et de la mesure. L’album est très bien construit. Les tires plus évidents et pop alternent avec les titres les plus atmosphériques. Tous ne sont pas mémorables mais ils participent grandement à l’ambiance de l’album. Certains sont même tellement atmosphériques et minimalistes qu’ils menacent de disparaître comme Fantasy, interlude hyper gonflé, parce que là, il n’y a quasiment plus rien, juste un synthé vaporeux et distant et quelques notes de guitares égrainées sur une ligne de basse à une note. Il y a cependant une raison à ce dénuement, cet interlude n’est là au final que pour renforcer le titre suivant Shleter qui est si délicat et fragile qu’il aurait été bouffé s’il avait été précédé d’un autre titre.

D’autres morceaux dont la composition est moins éclatante que celle des singles tirent cependant leur épingle du jeu. Après un titre comme Basic Space, Infinity, qui rappelle étrangement Chris Isaac, aurait pu tomber à plat, mais cela est sans compter sur la qualité de la production ultra inventive mais jamais tape à l’oeil de Jamie Smith. Car si Infinity est en apparence assez simple, quand on tend attentivement l’oreille, on se rend compte de tous les petits détails en arrière plan qui lui donnent de la consistance (écoutez attentivement les percussions qui ressemblent étrangement à un gimick de salsa.)

Les XX ont de l’assurance et ils en font preuve jusqu’au bout. Il faut avoir du cran pour finir un album par une chanson comme Stars. Elle est en effet l’une des moins mémorables que je connaisse mais sa fin abrupte clôt l’album comme des points de suspension. Elle laisse résonner le silence et nous laisse sur notre faim à attendre, parce que non, on ne finit pas un album comme cela.

On verra bien si les XX arrivent à donner un successeur à ce premier album. Plus d’un groupe se sont cassés les dent sur cet exercice délicat. En tout cas je l’attends de pied ferme.

L’album est en écoute sur Deezer et l’album de remix de Gil Scott-Heron par Jamie Smith est en écoute en intégralité sur le site du Guardian.

Cette chronique est également chez SUBSTANCE-M

Does humour belong in musique ? Oui avec les Muppets.

21 février 2011

Archives GRM – Le son en nombres (GRM-INA, 2006)

18 février 2011

Je suis content. J’ai successivement dépassé plusieurs a priori qui auraient pu me priver de bien belles découvertes.

Pendant longtemps j’ai cru que les musiques issues du GRM étaient une affaire de scientifiques et d’experts. J’avais tort. C’est un cliché, un piège dans lequel il est trop facile de tomber. Il y a bien un peu de science mais l’essentiel n’est pas là.

Il est aussi assez facile de se laisser impressionner par les titres ronflants ; ceux des compositions mais aussi celui de l’institution elle-même. GRM : Groupement de Recherches Musicales. Plus que de la musique, de la recherche musicale. Soit, mais il est vrai que je ne peux pas vraiment juger vu que je n’ai absolument aucune connaissance technique ou théorique dans ce domaine.

Quand on parle d’expérimentation, on pense volontiers à liberté débridée. On patouille, quitte à en mettre sur les murs. Recherche fait bien plus sérieux et évoque rigueur et méthode.

Je suis un néophyte total et je ne veux surtout pas asséner des vérités arbitraires mais j’ai l’impression qu’on a trop rarement mis en avant la liberté et la subjectivité artistique de ces musiques dites sérieuses. Vous me direz, la balance entre liberté et rigueur n’est pas toujours facile à discerner et il est difficile de juger quand on ne connait pas les méthodes et processus mis à l’œuvre par un artiste. Ce qui sonne comme un bordel informe peut tout aussi bien être l’œuvre d’une méthode drastique que d’une absence totale de rigueur. Bref, toujours est-il qu’il est quand même possible d’arriver face aux musiques du GRM comme un chien dans un jeu de quilles, sans savoir quels sont exactement les processus mis en œuvre, et de passer outre leur austérité présumée ou apparente. Je les écoute comme j’écoute Aphex Twin ou Fennesz. J’évite de leur prêter tout côté statutaire : ça tue l’amour.

Il y a 6 mois, j’ai fait l’acquisition d’un coffret édité par le GRM qui vise à donner un aperçu de la diversité de sa production. J’avais envie de me plonger dans « les classiques », les bases, pour pouvoir mieux appréhender certaines musiques actuelles, pour savoir d’où elles viennent et essayer de cerner ce qu’elles apportent de nouveau. Les grands noms y côtoient les inconnus (pour ma part toutefois) et les compositions s’échelonnent de 1948 à 1989 (grosso modo, elles ne sont pas toutes datées, hum, pas très rigoureux tout ça…). Le coffret est divisé en 5 CD et organisé par thèmes :

– Les visiteurs de la musique concrète

– L’art de l’étude

– Le son en nombres.

– Le temps du temps réel

– Le GRM sans le savoir

Si j’avais dépassé quelques a priori, et succombais au désir de découvrir ces musiques étranges, j’en gardais cependant encore un certains nombres. J’en attendais en effet plus des compositions des années 50, les classiques, et j’appréhendais franchement celles des années 80. A ma grande surprise, ces dernières se sont avérées autant, voire plus intéressantes que leurs illustres aînées et le 3ème CD, Le son en nombres, est au final celui que j’aurais le plus écouté. Il est consacré aux premières musiques réalisées à l’aide de l’informatique, dont la genèse remonte à l’aube des années 80. Des visions d’horreur m’ont pourtant parcouru l’esprit alors que j’essayais d’imaginer à quoi cela allait ressembler. J’imaginais de vieux garçons aux cheveux gras portant de grosses lunettes , des débardeurs jacquards ainsi que des cravates en laine s’amusant avec des machines qui ressemblaient à ça.

Étonnamment les premières écoutes ont été assez neutres. J’étais alors sans opinion, je découvrais. Il n’y a pas eu de réactions épidermiques violentes, pas de convulsions, pas de chutes de cheveux brutales, ni de rires maniaques incontrôlables. J’étais presque déçu, j’aurais presque aimé détester ces musiques, ça m’aurait rassuré.

Le premier morceau, Eros Bleu de François Bayle, est très poétique et bien loin de tout ce que je pouvais imaginer sortir d’un logiciel informatique en 1979. Car au-delà du logiciel il y a le musicien. Musicien et non technicien ou scientifique (j’aimerai cependant savoir comment les membres du GRM se définissent eux même ou dans quelles mesures ils sont tout cela à la fois). Bayle compose ici une musique pareille à des frémissements mi métalliques, mi vaporeux, instables et libres. Des miroitements parfois ponctués de quelques tintements. Des instants fugaces à la fois discrets et en effervescence. Vers la fin du morceau, le son brut, avant traitement, qui a servi de base à cette composition nous est dévoilé. Il s’agit d’une sorte de crissement de polystyrène. Même à ce moment-là la musique ne perd pas son mystère. Je rêverai de l’entendre seul dans une chapelle vide.

Sur Voyage au Paradis, Didier Kaufmann joue avec une voix féminine. Elle est distordue, étirée, fragmentée, séquencée et passée à travers différents filtres. Elle se mélange à d’autres sons eux aussi étirés. Le résultat est fascinant. Pour un voyage au Paradis cela me semble un peu sombre et angoissant mais il y a effectivement quelque chose d’outre tombe dans cette musique. Je pense au film Orphée de Jean Cocteau. Il s’en dégage la même poésie onirique, mi morbide, mi sensuelle. Un rêve en noir et blanc.

Sud, malgré son titre, ne respire pas la chaleur. Les sonorités sont assez proches de celles d’Eros Bleu, comme bon nombre des morceaux de la compilation, par ailleurs. Viennent s’y ajouter des bruits de vagues qui au fil des transformations se changent en rugissements supersoniques. Des résonances à la tonalité proche d’un orgue glissent parfois sur l’ensemble. Ce morceau de Jean Claude Risset procure une sensation de puissance retenue, comme contenue dans une douce caresse.

Week End est le morceau qui m’aura marqué le plus rapidement. Peut être parce qu’ici je suis en territoire connu, quelque part entre drone et musique synthétique. Il est en tout cas d’une étrange actualité. Il pourrait sortir demain sur Arbor ou Digitalis, que tout le monde serait sur le cul. Des vagues de sons tenus et vibrants se succèdent et emplissent l’espace. Week end est tout en demi teintes. Des sons tendus, en suspension, glissent tranquillement. Ils sont comme des couches qu’on effeuille ou des glacis que l’on superpose. C’est un monde de transparences et de lumières, un mystère à la fois arctique et technologique. Un vrombissement électronique qui mettrait en résonance des milliers d’instruments de cristal. Un bouillonnement électrique, une aurore Boréale. Week End est vraiment à couper le souffle et il peut justifier à lui seul l’achat de cette compilation (les CD du coffret sont disponibles indépendamment les uns des autres). C’est la première fois que j’écoute un morceau d’Ivo Malec, je n’avais jamais entendu parler de ce monsieur auparavant, mais je ne compte pas en rester là.

Le cinquième morceau, Wind Chimes – non rien à voir avec les Beach Boys – met lui aussi en scène des tintements et des résonances mais Denis Smalley fait la part belle aux silences. Moins atmosphérique que les morceaux qui le précèdent, Wind Chimes se compose de beaucoup de frémissements et de percussions éparses que l’on retrouve en général dans les musiques improvisées. On pourrait même croire que Denis Smalley n’a pas eu recours aux traitements informatiques, si ce n’est l’étrange résonance dans laquelle baigne la musique.

Dans un premier temps, Anamorphées se compose des sons à l’aspect gélatineux qui semblent avoir été saisis dans un mouvement rapide. Dans un second, il est difficile de ne pas penser à une musique venue de l’espace, une musique planante. J’imagine une fête alien pleine d’étranges bestioles qui se disputent.

Variations didactiques est en ce qui me concerne l’un des meilleurs moments de l’album. Il s’agit d’un mélange entre voix humaine et électricité. Une voix, qui récite le poème Un coup de dés jamais n’abolira le hasard de Stéphane Mallarmé, est violemment triturée et décomposée en petits morceaux et ensuite ré-assemblée jusqu’à par moment être proche de ce que l’on nomme aujourd’hui glitch. Elle devient alors déshumanisée et métallique. Des clusters d’onomatopées et de syllabes explosent ou s’étirent pour aboutir à un résultat aussi déroutant que fascinant. Les manipulations sont millimétrées, faites au scalpel, j’imagine à peine la virtuosité dont a dû faire preuve Yann Geslin pour arriver à un tel résultat en 1982.

Affleurements de Bénédict Maillard semble être le résultat de la chute d’une bille métallique dont le bruit se réverbérerait à l’infini sur les parois d’un labyrinthe de miroirs. Le son se réfracte et se transforme petit à petit. Il en résulte un déluge de tintements sur lequel le temps ne semble pas avoir de prise.

4 saisons (hiver) voit une nouvelle fois la voix humaine se confronter aux sonorités froides des machines. Deux voix qu’on croirait extraites d’un opéra se superposent à ces mêmes résonances métalliques/cristallines qui donnent sa coloration si particulière à l’album. Elles sont en fait le résultat de transformations appliquées aux voix elles-mêmes. Il est impossible de reconnaître la source de départ. Le résultat en d’une noirceur à vous glacer le sang. Je me demande même si Scott Walker n’en aurait pas abusé avant d’enregistrer The Drift.

Novar, qui clôt l’album, est peut être le morceau qui dans sa forme se rapproche les plus des études des années 50/60. On est clairement sur les terres de la musique concrète mais les sonorités sont plus modernes, dans la lignée des autres morceaux de l’album. On assiste ici à un feux d’artifice d’effets en tout genre et d’explosions à l’envers.

Ce troisième CD du coffret du GRM est vraiment une splendide découverte. Contre toute attente les musiques qu’il contient sonnent étrangement actuelles et leur écoute apporte à éclairage neuf sur pas mal de choses que je peux écouter en ce moment. S’il n’a pas été forcément évident de rentrer dans chaque morceau lors des premières écoutes, je me suis cependant familiarisé relativement rapidement avec l’ensemble, et les morceaux qui m’ont le plus résisté n’ont fait au final que renforcer mon désir de percer leur mystère. Le jeu en valait largement la chandelle.

Des extraits d’une minute de chaque morceau ici

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The Hunter Gracchus – Sacred object of the Yiye People (Chironex, 2009)

11 février 2011

Je ne sais pas très bien pourquoi je me passionne tant que cela pour ces musiques faites de bouts de rien. Pour ces imbroglios invraisemblables de sonorités qui semblent provenir de différentes musiques ethniques.

Pourquoi mon imagination s’enflamme-t-elle à ce point pour ce qui aurait pu n’être au final qu’un amas informe de pliks et de ploks faits par une poignée de gars assis en tailleur à même le sol et qui tapent n’importe comment sur tout ce qui se trouve à leur porté tandis qu’un énergumène s’acharne sur un pauvre instrument à cordes complètement désaccordé ? Cela reste un mystère.

J’étais dans le même état d’incertitude avec le free jazz il y a quelques années. J’aurais bien été en peine d’expliquer à quelqu’un pourquoi ce n’était pas du « n’importe quoi » alors que je le sentais au plus profond de moi. Je n’avais même pas réussi à défendre le petit solo de piano « free » de Mark Garson sur le Aladdin Sane de David Bowie, qui avait tant effrayé certains de mes amis lors d’une soirée (ce soir là je leur épargnais Albert Ayler).

Toujours est-il que la musique de The Hunter Gracchus dégage un mystère trouble dont chaque stridence me fait me sentir comme un archéologue qui essayerait de reconstruire l’histoire obscure et décousue d’une civilisation oubliée. Elle comporterait bien entendu son lot de rituels cruels, de visions de terreur, de magie occulte et de guerres. Précisons que la pochette qui présente une momie de lièvre du peuple (fictionnel) Yiye n’arrange pas les choses.

Je fantasme sur ces musiques rituelles imaginaires et terribles qui cristallisent les peurs, la violence et le sexe dans quelques battements et accords dissonants. Un monde de pulsions mis en musique.

Je ne sais pas si ces musiques improvisées néo tribales ont leur légitimité ou s’il faut les dénigrer comme étant le produit de quelques jeunes européens qui se fantasment comme des primitifs, des enfants gâtés qui se cherchent une authenticité, une nouvelle virginité lavée du pêché de la société de consommation : un primitivisme de pacotille. Je préfère cependant y voir un art brut qui n’a peur ni du trouble ni de la laideur et qui n’a pas de complexe à aller piocher ailleurs dans d’autres cultures ce qui lui plait, sans avoir besoin de se justifier continuellement.

Il y a chez The Hunter Gracchus quelque chose de Jean Dubuffet. Une matérialité, une substance violemment triturée, une brutalité mélangée à un étonnement enfantin. Ou encore de Picasso qui revisite violemment les arts premiers et fait voler en éclats les codes de la peinture occidentale.

Sacred object of the Yiye People est résolument lo-fi. Les huit improvisations ont été enregistrées sur un microphone mono. Cette esthétique du fait maison ne fait que renforcer la spontanéité de la musique et amplifie les sonorités bancales et crues des différents instruments. Ces dernières sont sèches et dures et écorchent plus qu’elles ne caressent. Cordes pincées ou frottées, percussions éparses ou assurées… une multitude d’instruments compose ce qui sonne comme des fields recordings d’un folklore imaginaire dans un pays en guerre. La dureté et l’aridité dominent, l’incertitude règne. Difficile de trouver un sens à tout cela. La musique est éclatée, il devient même difficile par moment de lier les instruments entre eux, on n’a plus grand chose à quoi se raccrocher. Heureusement ces moments ne durent jamais trop longtemps, et de nouvelles formes apparaissent au gré des coupures qui structurent l’album. Sacred object of the Yiye People semble en effet composé d’extraits d’improvisations assemblés entre eux à la hâte. Parfois du difforme émergent des moments de grâce comme le superbe for Naguid Mahfouz qui clôt l’album avec ses longs drones saturés et désertiques. On se dit alors que le voyage, aussi inconfortable fut-il, valait vraiment la peine.

Un extrait de Naguid Mahfouz en écoute ici. D’autres extraits sur le Myspace du label Chironex

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Matrix Metals – Flamingo Breeze (Olde english spelling bee, 2009)

9 février 2011

Matrix Metals est l’un des innombrables projets de Sam Meringue, figure éminente de la pop hypnagogique. Flamingo Breeze est pour l’instant le seul album que je connaisse de lui. C’est en réalité une cassette initialement sortie sur Not Not Fun, qu’Olde English Spelling Bee a eu la bonne idée de rééditer en vinyle.

Depuis quelques mois l’album est en rotation constante sur ma platine et je me surprends moi-même à prendre un tel pied à son écoute. Si vous vous demandiez ce qu’il manquait à Cindy Lauper pour être psychédélique, vous trouverez peut être ici un début de réponse.

Flamingo Breeze (le morceau) est divisé en 4 parties et occupe toute la face A du vinyle. On y entend se répéter de manière monomaniaque une mélodie électro funk estampillée 80’s. Encore et encore elle assaillit l’auditeur. Ici le souvenir des années 80 est une nouvelle fois fantasmé. Les jingles publicitaires et le génériques de jeux télévisés se transforment en hymnes qui remplissent les dancefloors. Prince fait de la pub pour une boisson énergisante, David Lynch réalise un film dans une galerie commerciale de province, c’est Las Vegas Parano au Macumba.

Tout ici est halluciné, déformé. On est pris de visions cauchemardesques qui révèlent l’aliénation à l’oeuvre sous les strasses et les néons. Le clinquant et le toc étincellent à en donner le tournis. L’horreur de cette enfer climatisé nous apparaît finalement malgré notre état semi comateux dû à trop de drogues, trop de sucre, trop de vitamines. Le rimmel coule, les déodorants ne font plus effet mais on continue à danser, par réflexe, par résignation, parce qu’on ne sait pas quoi faire d’autre.

Flamingo Breeze est la bande-son régurgitée par notre inconscient après que la fête soit finie. Le son lo-fi, le montage rudimentaire et les boucles bancales pervertissent  les nappes de synthétiseurs et les lignes de basse funky.  D’une certaine manière, je pense parfois à Pierre Schaeffer ; comme si de manière anachronique il avait composé son Etude Pathétique avec des vieux maxi 45T trouvés dans le bac des soldes d’un dépôt-vente ou des enregistrements repiqués sur une VHS. Flamingo Breeze possède cette même qualité surréaliste qui découle du collage et de la juxtaposition.

Sur la face B, Ray Ban Meltdown / Tanning Salon débute de façon similaire à  Flamingo Breeze mais de manière moins euphorique, jusqu’à ce que le morceau se transforme subitement en italo disco mutant à la ligne de basse imparable qui me fait à coup sûr me lever et remuer le derrière sous les yeux apeurés de mon chat. Coupure franche. Encore une fois on passe du coq à l’âne. Le disco se mue en blues futuriste. Les guitares glissantes dépeignent un paysage désertique, une ville fantôme aux panneaux publicitaires délabrés et à la station service en ruine. Nouvelle coupure, et nous voilà dans une série télé à l’ambiance de plomb. Fin.

Flamingo Breeze (l’album) s’écoute comme on regarde la télé mais sans avoir la maîtrise de la télécommande. Entre zapping et collage il n’y a qu’un pas. C’est surtout une formidable machine à créer des images mentales. Elle accompagne l’auditeur dans un monde de souvenirs et de fantasmes. Elle devient un territoire psychique aux multiples épaisseurs, prompt à se métamorphoser rapidement, oscillant en permanence entre présent, souvenir et souvenir de souvenir.

La musique aurait pu n’être qu’une accumulation d’anecdotes mais sa force est de ne jamais disparaître derrière les images qu’elle évoque. Sam Meringue ne fait pas dans la citation pure, ni dans l’utilisation littérale des codes. Il les transforme et les pervertit en les utilisant dans un autre contexte, en les tronquant et le juxtaposant. D’une certaine manière c’est exactement ce qu’ont fait les pionniers de la musique concrète en utilisant les sons pour leurs qualités propres en se détachant de l’objet dont ils étaient la représentation sonore. Un cinéma surréaliste pour l’oreille.

Loin de toute ironie, Sam Meringue redonne vie à tout un pan de la culture populaire que je pensais dans un état de putréfaction avancé, oublié quelque part dans une décharge à ciel ouvert. Contre toute attente il utilise ces rebuts pour créer une expérience psychédélique névrosée basée sur la culture de masse à mille lieux du psychédélisme des années 60.

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France – Deux Lives (8mm Records, 2010)

2 février 2011

Vous n’en avez pas marre des cassettes limitées à moins de 100 exemplaires ?

C’est à la fois très excitant et très frustrant ce déferlement incessant de productions plus limitées et obscures les unes que les autres. Parfois je fais une overdose et je me dis que tout cela est bien ridicule et qu’il est bien plus stupide encore d’essayer de tenir le rythme et de ne pas perdre le fil. D’autres fois je me sens comme dans l’oeil du cyclone. Je suis à San Francisco en 1967. Je suis à Londres en 1976. Feu de paille ou pas, le temps le dira, toujours est-il que la scène musicale actuelle déborde d’énergie pour le meilleur et pour le pire. Laissons le pire de côté et venons en au meilleur.

Même si en règle générale j’évite de mettre mon nez dans les sorties au format cassette pour ne pas me sentir noyé,  ma curiosité l’emporte parfois. Alors que je traînais sur le site de 8mm Records à la recherche de l’album Northern Resonance III/II, je suis tombé sur une cassette réalisée par un groupe au doux nom de France. 8mm le décrit comme le secret français le mieux gardé et compare leur musique à quelque chose comme la rencontre de musiques régionales françaises et La Monte Young. De quoi piquer ma curiosité. Malgré l’absence d’extraits en écoute (que certains label « négligent » de mettre de la musique en ligne pour faire découvrir les groupes me dépasse complètement), je tente ma chance et commande la cassette avec le vinyle de C. Spencer Yeh et Jon Wesseltoft.

En insérant la cassette dans mon walkman, je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Je dois même avouer que j’étais un peu sceptique. J’ai bien vite été rassuré. France s’avère être une superbe découverte tout autant qu’une synthèse de pas mal d’obsessions personnelles.

Je ne sais pas si le martèlement métronimique de la batterie a plus à voir avec le jeu de Moe Tucker ou le krautrock. Peut être un peu des deux. En tout cas, le rythme lent et hypnotique sert de colonne vertébrale à l’ensemble du morceau de la face A. La section rythmique composée de la batterie de Mathieu Tilly et de la basse de Jérémie Sauvage reste bloquée dans une boucle immuable qui persistera les 45 minutes que dure Do Den Haag Church. Seule la vielle à roue électrifiée de Yann Gourdon vagabonde comme un animal sauvage.

Sauvage, le mot est lâché. L’instrument moyenâgeux prend ici un sacré coup de jeune et se transforme en modulateur de murs de larsens. Yann Gourdon sort de son instrument des sons inouïs. Des murs de saturations électriques et perçantes qui n’auraient pas dépareillé sur Sister Ray. Les vagues de stridences vont et viennent. La vielle se calme par moments laissant ainsi apparaître le squelette du morceau avant de faire déferler à nouveau son flot de bourdons acides et râpeux. Le rythme ne flanche pas. La batterie cogne sec et la basse ressasse inlassablement la même ligne mélodique au son saturé et métallique.

Dire que la musique du groupe est de nature obsessionnelle est un euphémisme. Car si la face A est un monolithe de larsens à l’énergie dévastatrice, figurez vous que la face B est identique. Et quand je dis identique, je ne veux pas dire similaire, ou dans le même état d’esprit. Non la MÊME chose. Far Out, Far West semble être le prolongement de Do Den Haag Church après que le groupe exsangue et en transe ait joué pendant 8 heures et qu’il ait légèrement modifié le son, et ralenti la cadence.

Et bien figurez-vous que 1h30 de France n’est pas assez. Je suis bien content que mon walkman ait un autoreverse pour que la face A succède à la face B.

Do Den Haag Church qui semble avoir fait l’objet d’une précédente édition CDr est en écoute ici.

France n’est en réalité que le sommet de l’iceberg et des nombreux projets parallèles sont à découvrir , et

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