Archive for juin 2011

Vide-greniers et dépôts-ventes #2

25 juin 2011

Il y a quelques jours de cela je me lamentais qu’on ne trouve plus rien de valable dans les dépôts-ventes ou les vides-greniers. Et bien il semblerait que la chance ait tourné. Cerise sur le gâteau tous les disques sont en excellent état et ils ne m’ont coûté qu’1 euros chaque.

Est-ce grave de ne découvrir la musique de Boris Vian qu’à trente ans ?

21 juin 2011

Vide-greniers et dépôts-ventes #1

21 juin 2011

C’est la saison des vide-greniers. Ce week end c’était le premier de l’année pour moi. La chasse est ouverte. Bilan pas trop mal pour une première, surtout que je n’y suis allé qu’à 16h00 (remarquez, je ne suis jamais arrivé plus tôt que 13h00 ou 14h00 à ce genre d’évènement, je ne suis vraiment pas du matin) : une compilation d’un festival de blues de 1968 à Memphis (4€), et un album de Supremes (15€). En règle générale je ne mets jamais 15€ dans un vinyle glané dans un troc et puces, mais depuis des années maintenant c’est un peu la misère – plus grand chose à se mettre sous la dent – et comme on ne croise pas très souvent des originaux des Supremes, et que je n’avais aucun disque du groupe, j’ai fait une exception.  En plus le vendeur, un vieux monsieur à l’air passionné mais un peu à l’ouest , était très sympa. Il m’a fait écouter pas mal de trucs et puis surtout ça fait du bien de parler musique avec quelqu’un en chair et en os et non par commentaires interposés sur différents blogs.

Cela fait de nombreuses années que les résultats des traques dominicales sont bien maigres. Rien à voir avec l’époque à laquelle j’avais commencé à m’intéresser aux vinyles. A la toute fin des années 90, en 1998 ou 1999, je ne me rappelle plus très bien, j’avais 17-18 ans et je découvrais la musique des années 60 et 70. Ma mère avait donc ressorti du placard sa maigre collection de disques. Pas grand chose à en tirer, à part l’album rouge des Beatles, des 45 T des Creedence Clearwater Revival et un best of de Santana. Je connaissais déjà les Beatles bien évidemment, mais pas encore les Creedence ni Santana. Merci maman pour les découvertes.  Du coup j’en avais parlé à mes potes et l’un d’entre eux m’avait dit que la Trocante regorgeait de vinyles à pas cher. Il ne m’avait pas menti. Quand je suis allé y faire un tour, il y avait effectivement des caisses et des caisses de disques. Tous en bon état et bien rangés dans des bacs par ordre alphabétique. Ma culture musicale à cette époque était bien maigre et souvent j’achetais les disques un peu au hasard, selon que le nom me disait vaguement quelque chose ou non. « Hum, Lou Reed, c’est bien ça ? Ca me dit un truc, bah j’aime bien la pochette. Vendu » ou encore « Tiens, Leonard Cohen. Y’a son nom dans une chanson de Nirvana. On va tenter on verra bien ». Quand j’y repense c’était complètement incroyable le nombre de disques qu’il y avait. Beatles, Doors, Dylan, Pink Floyd, Bowie… Tout était à 20F, puis plus tard à 3euros. Je me suis constitué des discographies entières de certains artistes  pour presque rien. En tant qu’adolescent mon pouvoir d’achat était assez maigre et je ne pouvais acheter que deux ou trois disques à la fois. Alors je devais laisser pleins d’albums derrière moi, parfois j’en cachais en priant qu’il soient encore là la semaine d’après. J’ai encore en travers de la gorge la pile d’albums de Tom Waits et le Kraftwerk avec le plot orange sur la pochette que j’avais dû reposer faute d’argent.  Je n’ose imaginer ce que j’aurais pu trouver si j’avais commencé à collectionner les vinyles à peine un ou deux ans plus tôt et si j’avais connu plus de choses. Rétrospectivement je me dis que le top avait dû être dans les années 80 quand les gens revendaient leurs vinyles pour racheter les albums en CD. Certains ont dû faire de sacrées affaires…

C’était vraiment une époque formidable et je me rappelle très bien les sensations que j’éprouvais alors. J’étais surexcité, le ventre noué, fouillant frénétiquement les bacs. J’inspectais les disques, essayant de me rappeler si j’avais déjà entendu parler de tel ou tel artiste, en bien ou en mal. Je scrutais les pochettes et les labels pour en connaître l’année. Si l’album datait d’entre 1966 et 1971 j’achetais les yeux fermés. S’il datait d’après 1975 j’étais plus hésitant. Et les coups de stress quand quelqu’un d’autre fouillait en même temps que moi et qu’il sortait un disque pour le regarder. « Merde c’est quoi, c’est quoi. » Une partie de ma culture musicale s’est construite à la Trocante de Quimper, et  c’est comme cela que suis devenu amoureux du format vinyle alors qu’au départ ce n’était pour moi qu’un simple moyen d’avoir de la musique à pas cher. L’abondance fut cependant de courte durée et après quelques années, il y a eu beaucoup moins de choses intéressantes, et puis plus rien. Idem pour les trocs et puces et autres vide-greniers. Heureusement que je suis ensuite parti deux ans en Angleterre où la magie a opéré une seconde fois. Incroyable tout ce que l’on trouve dans les bacs en solde des arrières boutiques.

Rien n’est comparable à l’excitation de parcourir les bacs des vide- greniers et autres dépôts-ventes à la recherche d’une hypothétique pépite. Les listings d’ebay paraissent bien mornes à côté. Je suis assez nostalgique de cette époque mais je ne perds pas espoir, il y aura peut être un nouvel âge d’or un jour.

Ducktails – Ducktails III : Arcade Dynamics (Woodsist, 2011)

10 juin 2011

Autant j’avais adoré les deux “premiers” albums de Ducktails sortis chez Not Not Fun et Olde English Spelling Bee, autant je m’étais fait un peu peur avec les 45T qui avaient suivi. Avec un peu de recul, il n’y avait pourtant pas grand-chose à leur reprocher, mais en ce qui me concerne la musique de Ducktails a vraiment un goût de trop peu en format 45T. Il lui faut la durée d’un album pour s’installer plus à son aise. Il faut surtout que les chansons succèdent aux chansons. Chaque morceau seul semble un peu trop fragile, trop chancelant. Il a besoin de ses compagnons pour le soutenir. L’union fait la force. Seul, il est comme une vignette perdue entre deux silences, prêt à s’écrouler. Difficile de savoir quoi en faire, difficile de lui donner un sens. Mises bout à bout ces vignettes commencent à raconter une histoire et ce qui pouvait passer pour de la maladresse ou de l’amateurisme revêt soudain une autre dimension. Le parti pris esthétique s’avère cohérent. Au fil des morceaux se dessinent une vraie personnalité, un vrai savoir faire. Les chansons se nourrissent les unes les autres, laissant entrevoir des nuances et des possibilités.

Le format album, et peut être tout particulièrement ici avec Ducktails III : Arcade Dynamics, permet d’extraire la musique de Ducktails de la masse toujours croissante des musiciens lo-fi. Car s’il est un genre dans lequel il est facile de couvrir un manque d’idée par une réverbération excessive et une saturation outrancière, c’est bien celui-là. Du coup un morceau seul peut être plaisant à l’oreille mais laisser l’auditeur sur sa faim à se demander s’il vient d’écouter un énième bon morceau qui risque d’être bien vite oublié ou s’il vient de découvrir quelque chose qui va grandir et se développer avec le temps. Ecouter Arcade Dynamics, c’est se rendre compte que Matthew Mondanile n’a pas écrit une bonne chanson, mais DES bonnes chansons et qu’il a plus d’un tour dans son sac. Les ritournelles entêtantes de Hamilton Road et Art Vandelay, respectivement faces A et B du single sorti sur Olde English Spelling Bee, ne sont donc pas le fruit du hasard. On se rend également compte au fil des écoutes que l’album, loin d’être une simple collection de morceaux, est également pensé et construit comme un tout cohérent. Les moments forts et les transitions s’alternent. Des relations se tisent entre les titres. Arcade Dynamics s’écoute comme un tout. Il est, plus encore peut être que les autres disques de Ducktails, un Album avec un A majuscule.

Si j’avais beaucoup aimé les disques précédents de Ducktails, c’est parce que j’y voyais une évolution étrange, une mutation inattendue d’éléments de la culture de masse, qui dans leur forme originelle me rebutaient et me rebutent encore. J’étais à la fois séduit et révulsé, pris d’un doute qui ne semblait pas pouvoir être résolu. En pervertissant les codes de la musique populaire des décennies précédentes, Matthew Mondanile leur conférait une aura étrange. Il nous faisait entendre le banal d’une manière nouvelle et perturbante. Alors quand j’ai écouté le 45 T Hamilton Road, titre ouvertement pop pour la première fois je me suis dit que Ducktails régressait, qu’au lieu d’affiner sa vision, d’aller encore plus loin dans cette direction, il se dirigeait vers les sentiers battus de la pop guitare/basse/batterie, qu’il avait perdu son originalité. En bref, ce n’était pas ce que j’attendais de lui. J’avais oublié que :

1 – Le progrès n’est pas linéaire.

2 – Il ne faut pas enfermer un musicien dans un style. Attendre de lui quelque chose de trop précis, c’est forcément être déçu par la suite.

Bien heureusement Ducktails continue son petit bonhomme de chemin sans trop se soucier de ce que je pense. Plus vraiment hypnagogique donc, mais plus proche du format pop, Matthew Mondanile compose maintenant de « vraies » chansons avec couplets, refrains et jolies mélodies. Il se rapproche également d’une certaine forme de musique plus rock, les guitares deviennent prépondérantes au détriment des synthés et le chant est plus présent que sur les albums précédents (du coup je me dis qu’il faut vraiment que je jette une oreille plus attentive à son groupe : Real Estate).. Il garde tout de même un pied sur la plage, car le soleil est toujours présent ici, un autre au centre commercial dont les effluves artificielles parfument encore certaines pistes de l’album mais surtout consolide l’appui du troisième (le plus gros) dans le garage familial. La musique sonne en effet ici comme celle d’un groupe adolescent, un rien branleur mais enthousiaste, porté par l’insouciance de la jeunesse, qui aurait investi l’endroit pour y répéter.

3 pieds, oui parce que la pop de Ducktails est mutante. Elle est riche de ses contradictions. Entre deux chansons qui sonnent comme les démos de singles pop quasi parfaits (Hamilton Road, Sprinter, Don’t Make Plans, Art Vandeley, Killing The Vibe), les interludes (The razor’s edge, Arcade Shift) nous rappellent sur quel terreau étrange a poussé la musique de Ducktails. L’esprit lo-fi est quant à lui toujours aussi présent malgré le songwriting plus précis. La batterie continue de sonner comme une boite en carton et la voix est toujours noyée sous une montagne de réverbération. Les chansons de Ducktails sonnent toutes un peu pareil, elles ont un air de famille. En les égrainant au fil de l’album, Matthew Mondanile construit ainsi une sorte de torpeur continue, un alanguissement confortable soutenu par l’air de déjà vu. De cette façon il assoit l’ambiance léthargique amorcée par les mélodies gorgées de soleil. Tout ici baigne dans une ambiance d’adolescence éternelle, de mélancolie douce et de confort presque familial.

Avec ce troisième album Matthew Mondanile passe un cap et frappe un grand coup. Il nous montre l’étendu de son talent de compositeur et ouvre également de nouvelles perspectives. Car outre la nouveauté de l’efficacité des morceaux pop, à l’écoute du sautillant Little Window, mais surtout de Porch projector, lente dérive de 10 minutes à l’ambiance quasi nocturne que n’aurait pas renier Christina Carter, on se demande, les yeux pétillants et pleins d’espoir, ce qu’il nous réserve pour la prochaine fois.

Retrouvez également cette chronique sur SUBSTANCE-M.