Archive for avril 2009

Touch Sevens

25 avril 2009

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TS01 Fennesz | Jeck | Matthews
TS02 Chris Watson
TS03 AER
TS04 Fennesz
TS05 Oren Ambarchi
TS06 Mika Vainio
TS07 Jim O’Rourke
TS08 People Like Us & Ergo Phizmiz

Electrique Bob Dylan

24 avril 2009

La France garde de Bob Dylan l’image d’un chanteur folk. Un petit gars qui chante avec une guitare acoustique et un harmonica. Mr Tambourin Man, Blowing in the wind… Je connais la musique de Bob Dylan depuis longtemps, mais dans un premier temps j’en étais  resté là. J’avais vaguement entendu parler de sa période électrique mais je n’avais pas réalisé ce que cela représentait. J’avais tellement l’image du chanteur folk encrée dans mon esprit que je n’avais même pas réalisé que Like a Rolling Stone ou Subterranean Homesick Blues était électriques.
Puis je suis tombé sur la compilation No Direction Home: The Soundtrack (The Bootleg Series Vol. 7). Le CHOC. La version de Maggie’s Farm à Newport en 1965 et la version alternative de It Takes A Lot To Laugh, It Takes A Train To Cry (respectivement les vidéo 1 et 3) ont été des révélations.
Dylan a la rage, il fait plus de bruit que n’importe qui d’autre à l’époque. Il porte des costumes cintrés, des lunettes noires, il est gavé d’amphétamines. C’est brut, sal et bordélique. En 1965 à 24 ans il sort coup sur coup Bringing It All Back Home et Highway 61 revisited. A titre de comparaison les Beatles en sont encore à Help! et le Satisfaction des Rolling stone peut paraître sage en comparaison du renversant Tombstone Blues. Sa musique exhale la hargne et l’urgence. Dylan incarne le rock bruyant, déjanté et lettré. Seul le Velvet Underground peut tenir la comparaison, mais pour cela il faut encore attendre un an. Entre 1965 et 1966, Dylan était sur le toit du monde, intouchable.
Je n’ai pas de héros et ne voue aucun culte à personne. J’aime la musique avant toute chose, plus que les chanteurs ou musiciens qui la produisent mais  l’image de Dylan et ses lunettes de soleil me fascine.

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Après avoir pleinement pris conscience de la métamorphose de Bob Dylan, du passage de l’acoustique à l’électrique, j’ai réécouté The Bootleg Series, Vol. 4: The  »Royal Albert Hall » Concert. Claque gigantesque une nouvelle fois. La portée du mythe s’offrait enfin à moi. Quand je l’avais écouté pour la premier fois il y a de cela quelques années, je l’avais trouvé bien. J’ai honte, ‘bien’ sonne comme un doux euphémisme. J’étais jeune, je ne savais pas. Le Royal Albert Hall concert (qui a en fait été enregistré à Manchester) encapsule la transformation de Bob Dylan en rocker. Il se compose de deux CD. Sur le premier, Bob Dylan est seul à la guitare et à l’harmonica, sur le second, il est entouré de son groupe the Hawks (futur The Band). Cette performance est légendaire car elle cristallise la réaction du public envers la transformation de la musique de Bob Dylan. Déjà, les esprits les plus obtus avait crié à la trahison lorsque Dylan avait sorti Another Side of Bob Dylan et délaissait le folk contestataire pour un folk plus personnel et poétique. Le passage de l’acoustique à l’électrique est un choc encore plus violent. Pour les premiers fans de Dylan le rock  était une musique pour les adolescent(e)s, un divertissement sans intérêt. A titre de comparaison imaginez Radiohead dansant la tecktonic. La vision de Dylan se vautrant dans le bruit et la furie du rock et écrivant des paroles complètement surréalistes sans queue ni tête leur était insoutenable.

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Sur ce live Dylan et The Hawks sont en parfaite cohésion et jouent chaque morceau de manière formidable. La performance est intense, mais pour un fan en particulier c’en est trop. Après que le groupe ait fini de jouer Ballad of a thin man et qu’il se ré-accorde, on peut l’entendre distinctement crier ‘Judas’. Dylan lui répond ‘I don’t believe you’. You’re a liar’, il se retourne vers son groupe et ordonne ‘Play Fucking loud ‘. La cymbale tombe comme un couperet et le groupe se lance dans une version d’anthologie de Like a Rolling Stone, apothéose de ce live magistral. La légende est en marche. Je frisonne rien qu’en y re-pensant. Oui, ce disque est génial mais sa grandeur ne se révèle que dans le contexte. Depuis lors, je n’écoute plus Bob Dylan de la même façon.

Pink Floyd : condensé de pop barrée

23 avril 2009

Belong – October Language/Colorloss Record/Sames Places (slow version)

23 avril 2009

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October Language, carpark records (2006). Je peux écouter Endless Summer de Christian Fennesz en boucle. Rien ne me plait plus que ses sons ouatés et brumeux, la douceur et l’étrangeté radieuse de ses bruits lumineux. Je plonge dans October languages avec le même bonheur. Le premier album de Belong, duo originaire de la Nouvelle Orléans et formé de Turk Dietrich et Michael Jones, est une pure merveille. Il m’emporte ailleur, je m’y vautre, je m’y prélasse. J’y suis bien. Tout comme pour Endless Summer, l’analogie avec la lumière et la brume est inévitable. Il y a cependant quelque chose de différent ici. Le son est moins clair, moins ciselé, plus dense. La musique parait moins électronique ou informatique. Elle est plus fantomatique, plus évanescente. Les fragiles mélodies se dissolvent dans l’espace et le temps s’étire à l’infini. La musique se désintègre et laisse place à une immensité paisible. Elle correspond à l’image que je me fais de Venise, où la décrépitude et la grandeur déchue cohabite avec l’éternité. Calme, luxe et volupté. Je m’imagine les miroitements des eaux croupies des canaux, sur les couleurs délavées des façades hors du temps, le tout baigné par la lumière douce d’un couché de soleil. (peinture de Joseph Mallord William Turner, 1775-1851)

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Colorloss Record, St Ives (2008). J’ai découvert le groupe grâce à la revue élogieuse de leur deuxième album ( qui est en fait un EP) faite par Pitchfork . Sorti sur le label  St Ives  il a été édité à 300 exemplaires en vinyle uniquement. Chaque pochette est unique, réalisée à la main à l’aquarelle suivant la déclinaison d’un motif commun. Le EP se compose de 4 reprises de morceaux de pop psychédélique des années 60. Late Night de Syd Barrett revu et corrigé par les Cleaners from Venus, Beeside de Tintern Abbey, Girl from New York de Billy Nicholls et enfin My Clown de July. Les reprises s’apparentent plus à des remix, car les morceaux sont les originaux, musique et voix comprises, enterrés sous des denses couches de bruits blancs distordus et de drones. Les versions originales sont reconnaissables mais semblent venir de l’au-delà. Belong ne les déstructure pas mais les ensevelit et les étire puis s’amuse à les laisser transparaître plus ou moins au fils du morceau. La mélodie de Late night est très profondément enfouie mais néanmoins refait surface par moments tandis que la voix semble survoler l’ensemble. Beeside est le morceau le plus altéré. La musique et la voix sont condensées à l’extrême puis déployées suivant différentes densités sur toute la durée du morceau. The Girl from New York fait irrésistiblement penser à une reprise de Billy Nicholls par My bloody Valentine émanant d’un souterrain oublié. My clown se développe et se désagrège pour ne former qu’un magma sonore d’où n’émerge que le refrain, le reste des paroles étant enfouies trop profondément pour être distinguées de l’ensemble. Le résultat est surprenant et très réussit. Une grande attention est portée à la construction de chaque morceau et Belong ne tombe jamais dans le piège de l’exercice de style.

Same Places (Slow Version), Table of the elements (2008). Leur dernière réalisation en date fait partie des Guitar Series 3 et 4 sorties sur le label Table of the Elements. Ces série sont composées de 12 vinyles colorés ou transparents. Une des faces contient de la musique, l’autre une gravure réalisée par Savage Pencil. Chaque album est l’oeuvre d’un groupe ou musicien gravitant autour de la scène « guitare expérimentale ». J’y reviendrai plus longuement dans un futur article quand les deux derniers vinyles seront parus. Sur cet album, la musique de Belong est devenue presque transparente. On sent l’esprit de William Basinski plané au dessus des sillons. Une mélodie étouffée sous d’épaisses couches de sons distordus est répétée inlassablement. Subitement tout disparaît et il ne reste plus qu’un écho, une simple résonance de la musique de départ. Puis elle se reconstruit peu à peu. Elle renaît miraculeusement de ses cendres jusqu’à la fin du morceau. C’est sûrement l’album de Belong le plus difficile d’accès tant il est épuré. Une oreille distraite ou non entraînée pourrait ne rien y entendre d’autre qu’un bruit de fond amplifié. Same Places (slow version), nécessite de l’attention. Il faut tendre l’oreille, ne rien faire d’autre que rompre les amarres et se laisser emporter par le flot cotonneux de la musique. Pareil à un paysage dans la brume, la musique de Belong est mystérieuse, ses contours sont flous et incertains. Le chemin est sinueux et non balisé mais la promenade vaut le détour.

Visitez leur Myspace ici

Téléchargez gratuitement et légalement Same Places (slow version) ici

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Hokkaido le japon inconnu – Yves Mahuzier

22 avril 2009

Je suis toujours à l’affût de nouvelles musiques, de nouveaux sons. Ma passion grandissante pour la musique « folk », m’incite à regarder de plus en plus vers les musiques traditionnelles et notamment celles des pays non occidentaux. Je ne prétends pas comprendre ni même essayer de comprendre ces cultures si éloignées de la mienne. Mon intérêt premier est la curiosité. Je suis intrigué par ces rythmes et sons si étranges pour mes oreilles d’homme occidental blanc.
J’ai glané ce 45T dans un dépôt vente près de chez moi. Il s’intitule Hokkaido le Japon Inconnu, sous titré, Les « Aïnou » vont-ils disparaître ? Je n’avais absolument aucune idée de ce que j’achetais mais j’ai tenté ma chance. Une fois chez moi, j’ai cherché sur Internet si je pouvais trouver des informations à propos de cet EP. Je ne suis pas sûr mais il semble que ce 45T comporte la musique figurant sur un film réalisé par Yves Mahuzier ayant pour sujet l’île d’Hokkaido au Japon (plus d’infos ici). Grâce à Wikipédia j’ai également découvert que les Aïnous sont le peuple originel de l’île d’Hokkaido.
J’ai eu le nez creux, c’est plutôt pas mal. En tout cas je ne me lasse pas de l’écouter. Musicalement c’est varié et étonnant. Le premier morceau est chanté a cappella par deux hommes. Les chants sont surprenants, surtout celui effectué par l’homme qui fait l’accompagnement. Le morceau suivant est lui aussi a capella. Il accompagne traditionnellement la Danse du sabre Divin. Il me fait étrangement penser à du Animal collective hystérique et joyeusement barré période Feels (le côté pop en moins), petits cris et clappements de mains inclus. Les deux morceaux suivants sont instrumentaux. Ce sont des solos de Mukkuri et de Koto.
La face B commence par une musique de O Bon. On y entend des percussions métalliques (cloches ?) puis cela se poursuit par le chant d’un homme seul. Suit une musique de cérémonie Shinto. Le rythme est lent et les sons, dissonants, plaintifs et lugubres. Le EP se finit par une musique plus familière. Un groupe de personnes chante accompagné par une guitare autour d’un feu de camp.

J’ai également trouvé un petit documentaire sur youtube qui présente rapidement l’histoire de la culture Aïnou. Voici d’autres vidéos qui permettent de découvrir d’autres morceaux de musique. 1 2

Fennesz – Endless Summer (Mego, 2001)

21 avril 2009

Cet album est incroyablement important pour moi. Il a changé ma vision de ce que pouvait être la musique. En ce qui me concerne, il est à la musique électronique ce que Kind of Blue est au jazz : un moment de grâce.

C’est étrange de constater à quel point ce disque me fait revivre très précisément les sensations que je peux éprouver quand je suis à la plage en fin d’après-midi. Il fait doux, une brise s’est levée, le soleil continue de chauffer doucement ma peau halée. Tout est calme. Je regarde fixement l’horizon. Les couleurs et les sons se mélangent. C’est un de ces moments magiques où tout est parfait.

Endless Summer, le titre est impeccable. La pochette de l’album aussi. Le coucher de soleil, la mer, mais aussi, l’esthétique ouvertement informatique. Les photos sont parasitées par ce qui semble être des erreurs de couleurs ou de trame. Le bruit et l’erreur se mêlent à la rêverie et à nature. La traduction au niveau sonore sont des grésillements, des bruits blancs, des clics, des souffles. Tout, ici, est affaire de textures. Des textures comme des lumières.

Christian Fennesz se sert d’ordinateur et de guitare, mais sa musique est organique. Les strates de sons se superposent de manière mouvante, elles jouent entre elles comme la brume ou le feuillage des arbres peuvent le faire avec la lumière. Rarement musique m’aura paru si lumineuse et rêveuse. A chaque écoute c’est une sensation de chaleur et de plénitude qui m’envahit. Un sentiment d’ascension intérieure, une sérénité absolue et brumeuse. Tout se dissout et s’estompe dans une lumière ouatée comme dans un tableau de Mark Rothko.

Des titres à écouter sur myspace

Pelt – A Stone for Angus Maclise (autoproduit, 2009)

17 avril 2009

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A ma grande surprise le dernier album de Pelt sonne comme du Klaus Schultze qui aurait très  mal tourné. Ils sont 3 : Patrick Best, Mikel Dimmick et Mike Gangloff. Jack Rose n’est pas présent sur cet album. Je suis un total novice concernant Pelt. J’ai découvert le groupe, comme le reste de la scène free-folk-drone-expérimental, il y a deux ans de cela et je suis encore un peu perdu : trop de groupes, discographies sur-abondantes, collaborations multiples, de quoi donner le tournis. Dans mon souvenir la musique de Pelt que j’avais eu l’occasion d’écouter sur divers sites, était un mur de son, un magma sonore épais fait de guitares et d’instruments à cordes non identifiés desquels s’échappaient de longs drones. Ici point de guitare, mais 2 harmoniums et un esraj (une sorte de vielle indienne). La musique est planante au possible, entêtante, voire obsédante. Elle m’évoque un parfum liquoreux qui enivre, emplit les sens, et étourdit. Je ne peux m’empêcher de penser au Parfum de Patrick Süskind. La deuxième face du vinyle est plus intense que la première. Outre les effluves capiteuses des deux harmonium,  l’esraj apporte une diversité de sonorités supplémentaires, des crissements ainsi que des grincements de cordes. La musique acquiert alors un caractère physique que viennent renforcer les exhortations extatiques de Patrick Best.

Édition vinyle uniquement, autoproduit, tirage à 500 exemplaires, avec petit insert et sticker argenté collé sur pochette blanche générique.

PS : la référence à Angus Maclise, premier batteur du Velvet Underground, m’échappe totalement.

Vous trouverez leur site Myspace ici.
Vous pouvez acheter l’album , entre autre.

F J McMahon – Spirit of the Golden Juice (Accent, 1969)

17 avril 2009

Une autre découverte faite grâce à ebay et sa fonction rechercher dans les ventes terminées / afficher par prix décroissants. Le prix ($1000) et la pochette rétro m’ont interpellé. Une autre rareté spych-folk , terme utilisé à un peu à toutes les sauces par les collectionneurs (tout comme le terme chef-d’oeuvre par ailleurs). Je suis toujours intrigué par ces albums inconnus qui partent pour des sommes astronomiques. Au delà de l’attrait pur pour la collection, la musique doit être bonne pour justifier un tel prix, non ? Et puis il y a le plaisir de la découverte, la satisfaction de dénicher une pépite obscure. Mais bon, une fois le nom de l’album ou de l’artiste connu, le plus dur reste à faire : trouver des infos voire des mp3 pour écouter la bête en question. Le plus souvent c’est mission impossible. Google ne renvoie même pas une réponse à la requête. Parfois avec de la chance, on en trouve une trace sur l’un des nombreux blogs qui fleurissent sur la toile. Et même de temps en temps, on peut télécharger l’album dans sa totalité. L’attente est toujours  insoutenable. Téléchargement – Décompression – Écoute… C’est quoi cette merde ?! Oui malheureusement c’est bien souvent le cas. Si c’est obscur et méconnu c’est qu’il y a une raison. Le dit chef d’oeuvre est assez fréquemment ultra kitsch et extrêmement daté : inécoutable à moins que vous n’ayez  eu 20 ans dans les années 60 et que vos goûts musicaux n’aient pas évolués depuis 1973.

Si je continue encore à me démener pour au final écouter des merdes, c’est pour de temps en temps tomber sur des albums comme Spirit of the Golden Juice. F. J. McMahon  enregistre son unique album à son retour de la Guerre du Vietnam en 1969. Il chante, joue toutes les parties de guitares et est accompagné par un bassiste et un batteur. La musique est assez typique de cette époque, un folk rock west cost chaleureux et relax mais avec un côtérelativement sombre. La voix est mélancolique et suave, la rythmique leste et traînante, les parties de guitares  rêveuses. Le son est familier, il est facile de se laisser séduire. L’album est assez homogène, toutes les chansons se ressemblent plus ou moins, mais étrangement c’est ce qui fait sa force. Tout coule de source, il n’y a qu’à se laisser porter par le flot de la musique.

Les copies originales de l’album sont aujourd’hui introuvables et hors de prix. Il existe néanmoins une réédition vinyle qui date de la fin des années 90. J’en possède un exemplaire. Il n’y a pas de label. C’est un pressage privé d’après ce qu’en disait le vendeur à qui je l’ai achetée. Le vinyle est rangé dans une pochette générique blanche avec l’artwork original photocopié et collé recto/verso. La pochette originale ressemble à celà. J’appréhendais un peu la qualité sonore de la réédition artisanale mais le son est très bon. Si vous voyez un exemplaire, n’hésitez pas. Si vous n’avez pas la patience d’attendre qu’une hypothétique copie se présente sur votre site de vente aux enchère préféré, écrivez à F.J McMahom himself, ici, et il vous expédiera une version CD pour $20.

Son myspace avec deux titres en écoute ici

Des extraits de tous les titres sur Itunes

Télécharge l’album ici (Merci à Time as Told Me)

Pavlo V – Strength of materials (autoproduit, 1979)

14 avril 2009

Je suis perpétuellement à la recherche d’albums de folk bancals,  sombres   et déprimants, ceux que les collectionneurs aiment référencer sous le nom de loner folk ou downer folk. C’est en ces termes que j’ai découvert l’album de Pavlo V au détour d’une annonce sur ebay. Il me semble que j’avais fait une recherche dans les ventes terminées et que je les avais classées par ordre de prix décroissant. Stength of materials était tout en haut de la liste , il s’était vendu pour une somme indécente (près de 900 dollars) et était présenté en des termes plutôt élogieux. « ONE OF THE BEST STONER GARAGE FOLK ALBUMS EVER ». Whoua ! Encore plus fort que le downer folk ; le stoner garage folk. Inutile de dire que j’étais intrigué.
Il n’y a pas beaucoup d’informations concernant cet album sur Internet. Et pour cause ; l’album a été écrit, produit et réalisé par Pavlo V, musicien grec exilé à New York en 1979. Publié en pressage privé, seuls 100 exemplaires ont vu le jour, ce qui en fait une vraie rareté. Le seul article que j’ai trouvé sur la toile le décrivait comme « Obscure real-people album. Americana meets downer folk. With Dylanesque (Blonde On Blonde era) and just a tinge of blues influences, but also with an excellent melodic and melancholic atmosphere that makes “Strength of Materials” the ultimate late-night listening choice » Whoua! , un album de folk garage-drogué-bluesy-avec-un-côté-Dylan, à écouter tard dans la nuit, réalisé par un grec et tiré uniquement à 100 exemplaires, j’étais vraiment TRÈS curieux. J’ai donc été agréablement surpris de découvrir qu’un obscur label du nom de Anazitisi Records venait de rééditer l’album à 150 exemplaires numérotés à la main. Je suis allé sur le site du-dit label et ai constaté qu’il y avait toujours des exemplaires disponibles, qu’il y avait deux courts extraits en écoute mais que le prix de vente était de près de 50 euros… J »écoute les extraits de 30 secondes. Mmm, plutôt pas mal, l’un m’évoque le spleen gracieux de Jeff Buckley, la voix angelique en moins, l’autre commence par les accords d’un orgue famélique, puis des accords d’une guitare malingre entrent en scène, suivis de près par un orchestre de corde et un chant éraillé et puis stop, l’extrait s’arrête et me laisse sur ma faim. Je suis frustré. Comment juger un album sur deux extraits de 30 secondes à peine ? Je suis énervé, décide que 50 euros c’est vol, qu’ils n’avaient qu’à en presser 500 exemplaires et baisser leur prix, je me déconnecte d’Internet et retourne à mon diplôme qui décidément s’éternise. Je retourne cependant encore quelques fois sur le site pour réécouter les extraits et me dis que non, 50 euros c’est trop cher Je ne commande pas l’album. Quelques mois plus tard, l’album est épuisé, je me dis merde. Et si j’avais fait une connerie ? Quelques recherches sur Internet plus tard, je localise des copies sur ebay. Des vendeurs peu scrupuleux le revendent déjà à entre 95 et 120 euros. Ce genre de procédé est malheureusement assez courant . Voleurs (les exemplaires sont toujours en vente, ça me console un peu).  Il y a quelques semaines de cela, je glandais sur un site de vente en ligne et je tombe sur une copie de l’album à 50 euros. Ok, ni une, ni deux, je me dis que je ne vais pas passer à côté de l’album une seconde fois. J’essaie de retrouver les extraits musicaux sur le site du label, histoire de me rafraîchir la mémoire. Ils ne sont plus disponibles. Dilemme. Et puis merde, je me lance, je passe la commande et prie très fort pour ne pas avoir acheter une daube.
L’album est arrivé par la poste la semaine dernière. Superbe état, pochette lisse et qui brille, pas de coins pliés comme cela peut arriver quand un vinyle traverse l’Atlantique. Mon exemplaire a le numéro 128/150. Verdict… Je dois avouer que j’ai été un peu déçu au départ, c’était à prévoir.  L’album bonifie cependant au fil des écoutes et est franchement plutôt pas mal. Ok, ce n’est peut être pas le chef d’oeuvre de stoner/garage/folk/mélancolique que l’on m’avait décrit mais Strenght of materials tient la route et même plutôt deux fois qu’une si l’on considère qu’il s’agit là d’un album autoproduit par un gars venu de nul part. La plus grande faiblesse de l’album est son manque d’homogénéité. Il a en effet été enregistré entre 1977 et 1979, en de multiples sessions par Palvo V et différents musiciens, amis  ou recrutés par petites annonces, voire par Pavlo V seul, jouant de tous les instruments. Il y a aussi pas mal de styles différents sur l’album : blues, folk, country, ce qui laisse place à des transitions assez malheureuses et contribue a rendre l’écoute assez décousue. Pour ne rien arranger, Palvo V s’amuse à chanter avec différentes voix, quand il  ne laisse pas les parties vocale à d’autres. Le plus grand choc a lieu en début de face B quand deux chanteuses nous délivrent un morceau de country dans le plus pur style Nashville. A ce moment je me suis demandé s’il n’y avait pas un problème de pressage, si deux morceaux de deux albums différents n’avaient pas été substitués l’un à l’autres. Mais non, en regardant les crédits de plus près, il est bien normal que ce soit les dénommées Jeannie et Deddie qui chantent Summer Midnight Blues.
Strenght of materials n’est peut être pas un bon album à proprement parler, c’est plutôt une collection de bonnes chansons, voire de très bonnes chansons. Comme il est assez difficile d’en dégager une impression d’ensemble,  je vais essayer de décrire les morceaux un par un.

_ Big mama. Piano blues qui évoque un bar enfumé tard le soir. une basse prépondérante., un  refrain pop. Un style pas complètement éloigné de ce que pourrait faire Randy Newman.
_ Tiny Emmett. Country blues assez métronomique et rapide qui fait penser musicalement  mais aussi vocalement à Bob Dylan au début des années 70.
_Rent-a-Cop Blues. Blues très très blues mais avec un tuba et un rythme assez improbable par moment.
_Blind Alley. Une intro au mélodica, puis Pavlo V s’accompagne seul à la guitare. Du stoner/garage/folk/mélancolique sans aucun doute. L’un des plus beaux et envoûtants morceaux de l’album. Justifie à lui seul l’achat du disque si vous êtes à la recherche de chanteurs folks déprimés et méconnus.
_A Memory to Forget. Une autre chanson qui évoque par moments Bob Dylan au début des années 70 . Un blues/rock aux arrangements riches et au refrain assez marquant. Un morceau typique de singer/songwriter des années 70.
_Summer Midnight Blues. Bon morceau de country chanté par des femmes, mais qui fait tâche sur l’album.
_Birthday Present. Un harmonica, un tuba, un banjo, Pavlo V prend un accent étrange. Un morceau bordélique et débraillé. Encore une fois l’ombre de Dylan plane sur le morceau, mais il s’agit ici plus de Bob Dylan période Basement Tapes.
_I’m only Waiting. Autre sommet de l’album. Une ambiance intimiste et sombre. Il y a quelque chose de Jeff Buckley ici. Une mélancolie à la fois douce et profonde, quelque chose de lumineux qui transparaît à travers la tristesse.
_Last Call. Un orgue lugubre ouvre le bal, puis arrivent la guitare, les cordes et la voix. Quelques accords de guitare égrainés ainsi qu’un orchestre fantomatique et aérien habillent la voix déchirante de Pavlo V. Sublime.
_I’ll fight them back. Morceau folk rigide et rapide, dont les parties d’harmonica auraient pu figurer sur Harvest.

Au Final, l’album vaut largement la somme dépensée. S’il manque de cohésion, il reste néanmoins très bon et il contient plusieurs chansons magnifiques (et aucun mauvais morceaux). J’aurais beaucoup aimé mettre des morceaux en écoute mais je ne dispose pas de la technologie nécessaire pour transférer mon vinyle en mp3 afin de mettre des titres en écoute. Des vidéos sont enfin apparues sur Youtube ( voir ci-dessous).  Si vous voyez une copie qui traîne et que vous êtes en manque de découvertes musicales, n’hésitez pas.