Archive for juin 2009

SYLVESTER ANFANG II – s/t (Aurora Borealis, 2009)

27 juin 2009

Sylvester Anfang II en live au IAO festival en 2008.

Les vidéos Vodpod ne sont plus disponibles.

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Metal Rouge – Republican Trees (Digitalis, 2009)

25 juin 2009

Metalrougepochette

Dans la série drone-acoustique-ambient-expérimental j’ai acheté 2 albums publiés par Digitalis. Republican Trees de Metal Rouge et Atomic Weekender de Caboladies. Plutôt habitué aux CDr, le label vient de sortir plusieurs vinyles et d’autres sont programmés pour bientôt. C’est bête à dire mais une fois utilisés les mots drone, ambient et expérimental que peut-on ajouter pour parler de cette musique ? Qu’est ce qui différencie ces albums du reste de la production de cette micro scène hyper prolifique ? Pourquoi se distinguent-ils des autres alors qu’ils utilisent les mêmes ficelles et qu’ils ne comportent que de longues improvisations sans aucune mélodie ni aucun rythme susceptibles de marquer les esprits et de les rendre aisément identifiables. Après tout il s’agit ni plus ni moins que de crissements, de bourdonnements, de notes tenues et des percussions éparses comme des centaines d’autres albums. Les mots me manquent et j’ai du mal a le dire précisément, sinon que contrairement à la quasi-totalité des productions de type similaire, Republican Trees et Atomic Weekender ne sonnent jamais comme des expérimentations creuses et ennuyeuse mais s’écoutent avec plaisir du début à la fin.

Commençons par Republican Trees, je consacrerai un autre article à Atomic Weekender ultérieurement. Metal Rouge est un duo originaire de Nouvelle Zélande composé de Helga Fassonaki and Andrew Scott. La face A est occupée par un unique morceau, assez proche de ce que peut faire Pelt, intitulé Perfect Failure. Il s’ouvre par ce qui ressemble à des sons de cloches lointaines accouplées à des crissements et des pincements de cordes. La musique est dense et évoque le flux et le reflux d’une mer tranquille. Les strates de sons se superposent, vont et viennent à intervalles irréguliers. Elles composent un matelas sur lequel s’organisent divers instruments à cordes. Les sonorités sont métalliques et se composent principalement de grincements et cliquetis. Ce matelas ne tarde pas à se densifier,  se charger de lourds accords de guitares jusqu’à devenir de plus en plus proéminent et exploser dans un déluge de drones et de guitares noyés sous des chapes de saturations.

La face B s’ouvre de manière extrêmement agressive avec le très court Sea of Okhetsk. Une guitare abrasive et répétitive est malmenée et déchire les tympans tandis que des cloches sont secouées frénétiquement. Le bruit est infernal et on est submergé. Les percussions s’effacent et la guitare continue presque seule pour finalement se dissoudre peu à peu en échos avant de mourir définitivement. Le second morceau Lite Storms occupe le restant de la face B. Il commence avec des clameurs qui se déforment lentement et se réverbèrent à l’infini pour se muer en un grand chant cosmique. Le tout sur fond de strates de bruits évoquant une centrale électrique dont Throbbing Gristle aurait pris le contrôle. L’atmosphère est malsaine et angoissante. On se retrouve embarqué dans une lente et inexorable dérive dans le vide intersidéral. La température frise le zéro absolu et l’obscurité est totale. Après un long moment, la musque industrielle se noie dans un océan de réverbération tandis que les voix se font de plus en plus plaintives et suppliantes. Le final est terrifiant et apocalyptique.

Cet album est une très bonne surprise. D’une part il est maîtrisé et bien produit. Il ne tombe à aucun moment dans les travers des nombreux albums sans queue ni tête, maladroitement outranciers et bruitistes qui se cherchent et n’arrivent jamais nulle part. D’autre part il est varié, parfois paisible, d’autre fois violent. Qui plus est avec Lite Storms, pour moi le morceau le plus impressionnant de l’album, il lorgne du côté de la musique industrielle cosmique et hallucinogène, ce qui n’est pas pour me déplaire.

L’album a été pressé à 100 exemplaires uniquement et arrive dans une pochette sérigraphiée assez laide qui se déplie en 3 volets. Si vous en voulez un, dépêchez-vous. Procurez-vous le ici. Visitez leur site Myspace .

Metal Rouge, Republican Trees, Digitalis, 2009.

Sunburned Hand of the Man – The Trickle Down Theory of Lord Knows What (Eclipse, 2003)

19 juin 2009

trickledowntheory

La discographie de Sunburned Hand of the Man est pléthorique. Ils sortent des dizaines d’albums par an, la plus part du temps à quelques centaines, voire quelques dizaines d’exemplaires en vinyle, cassettes, CDr ou DVDr. Ces albums sont en règle générale des enregistrements live mais aussi des archives qui documentent leurs tournées passées. J’aurais bien aimé me lancer dans une collection de Sunburned Hand of the Man mais je suis découragé à l’avance, j’ai au bas mot quelques 70 albums de retard et de toute façons une large partie de leur discographie est moyenne, voire franchement mauvaise. C’est là tout le problème, mais c’est aussi ce qui fait le charme du groupe. J’aime leur état d’esprit underground loin de toute logique mercantile. Ils enregistrent tout et n’importe quoi, quand ils le veulent et où ils le veulent, puis le gravent sur CDr et le vendent pour quelques dollars.  La production est artisanale et le contrôle qualité inexistant. Mais quand ils font un effort et qu’ils ne sombrent pas dans l’auto complaisance la plus totale, les membres du groupe peuvent atteindre des sommets.

Trickle Down Theory of Lord Knows What a été enregistré en juin 2002 au sommet d’un escalier bancal rouge (c’est ce qui est marqué sur la pochette). J’ai longtemps eu du mal avec cet album. Je lui préférais ses cousins plus groovy. Cependant au fil des écoutes, il s’est avéré être plus riche et moins monolithique que je ne l’avais pensé au départ. J’en suis même arrivé à me demander pourquoi je n’ai pas réussi à rentrer plus rapidement dans cet album et pourquoi il m’avait paru si hermétique et rébarbative aux premières écoutes.

L’album s’ouvre par un long morceau lo-fi tribal. Le ton est donné. Un chant chamanique perdu dans la brume est accompagné d’un tapis de percussions diverses et d’éclats de voies. On a l’impression d’assister à un rituel magique sous l’influence de puissantes drogues hallucinogènes. Sur le second morceau qui clôture la face A, les percussions s’effacent et laissent place à une longue et lugubre plainte cosmique. Une guitare acide et décharnée dérive au dessus de cris d’extase et de hurlements opiacés. Plus le morceau avance et plus on plonge dans une rêverie comateuse comme sous l’effet d’un charme puissant nous laissant en proies à des visions cauchemardesques peuplées de sorciers aux gris-gris rutilants et de créatures mi- hommes mi-animales aux corps contorsionnés et luisants. L’odeur de la jungle enivre, le feu hypnotise, les flammes telles des étoiles, dansent et se reflètent dans les pupilles dilatées d’un visage horrifié.

La grande cérémonie cosmique continue sur la face B. Cela commence par des bribes de synthétiseurs qui s’égrainent sur fond de sons intersidéraux. Les tambours cérémoniels s’invitent à nouveaux et la transe reprend de plus belle. Il est temps de célébrer les âmes des morts et des enfants à naître. Les visions d’horreur réapparaissent. Goût de sang dans la bouche, yeux exorbités, visions troubles, hallucinations, implosion des sens. Le voyage vers le royaume des morts ne s’achèvera qu’à la fin de l’album .

Trickle Down Theory of Lord Knows What est à coup sûr l’album le plus mystique et tribal de Sunburned Hand of the Man. De plus il est de qualité constante et échappe aux expérimentations bruitistes dont le groupe raffole mais qui malheureusement tournent bien souvent à vide. S’il peut paraître difficile d’accès au départ, il mérite cependant que l’on s’y penche de plus près tant ses qualités se révèlent au fil des écoutes. Je suis devenu accro.

Sunburned Hand of the Man , The Trickle Down Theory of Lord Knows What, Eclipse, 2003.

Il existe une édition vinyle originale limitée à 1000 exemplaires. L’album a été ensuite réédité en CD.

Quelques extraits en écoute chez Boomkat.

Ike and Tina Turner – Proud Mary

16 juin 2009

Proud Mary

J’ai trouvé ce 45T à la Trocante pour 0.30 euros. La pochette est un peu déchirée et le son craque un peu, mais bordel quelle chanson ! Je la passe en boucle depuis quelques jours à tel point que ma copine m’a demandé de l’écouter au casque parce qu’elle en a marre. J’ai également trouvé sur youtube la vidéo par laquelle j’ai découvert cette chanson à la Pépie (mythique bar de nuit de Quimper). La version est encore meilleure que celle du 45T et les Ikettes sont drôlement sexy. En bonus j’inclus à cet article River Deep, Mountain High, chef d’œuvre absolu. J’ai également pas mal écouté ce morceau en boucle, bien que j’ai dans un premier temps été rebuté par la production de Phil Spector. J’ai toujours eu du mal avec le son compact et étouffé de ses productions. Mais avec le temps j’ai appris à aimer, il faut dire que les arrangements sont grandioses. Au départ je pensais vous proposer la version studio (celle avec les arrangements grandioses) mais au final j’ai décidé d’inclure une version live avec les jolies Ikettes. Pour écouter la version album cliquez ici.

Animal Collective – Animal Crack Box

16 juin 2009

Animal crack box 3

Animal Collective – Campfire Songs (Catsup Plate, 2003)

14 juin 2009

Campfire songs

Il est étrange comment certains albums demandent à être apprivoisés. La première écoute est un instant crucial mais partial. Au Panthéon de mes albums favoris se trouvent principalement deux catégories : les albums que j’ai adorés dès les premiers instants, et ceux que j’ai détesté. Sur ceux qui m’ont happé dès la première écoute, il n’y a pas grand-chose à dire. Ils étaient un monde dans lequel j’ai pu entrer facilement, un univers connu ou inconnu mais accueillant et qui me promettait des aventures et des découvertes. Bien sûr ce monde je pouvais, je devais, l’explorer. Si passer la porte (l’étape de la première écoute) était facile, il fallait cependant pénétrer plus profondément dans cet univers, l’explorer attentivement pour en découvrir les merveilles et les subtilités. Un bon album se dévoile petit à petit et livre un peu plus de ses secrets à chaque fois que l’on y revient.

On the Corner de Miles Davis, Remain in light des Talking Heads, Loveless de My Bloody Valentine font partie de la seconde catégorie. Je n’ai pas su quoi en faire, ils ne rentraient dans aucune case, ou avaient le cul entre deux chaises. Au mieux, ils m’ont de prime abord laissé perplexe et dubitatif au pire je me suis senti agressé et snobé. Je les ai perçus comme des « foutage de gueule ».

Campfire Songs fait parti de ces albums dont je me suis demandé s’ils étaient une vaste blague, une œuvre douteuse que les snobs pouvaient s’enorgueillir de trouver génial en regardant dédaigneusement la masse qui ne peut apprécier cette musique. Tout le monde peut se tromper. Il faut cependant remettre les choses dans l’ordre. J’ai découvert Animal Collective avec Sung Tongs. Et là aussi je n’avais pas été convaincu. J’étais partagé entre : « c’est quoi ce bordel ? Ils déconnent, hein ? C’est une blague ?» et « hey, je tiens peut être quelque chose ». Comme je n’arrivais pas à trancher, je me suis mis à lire pas mal de critiques positives et négatives et à écouter d’autres albums d’Animal Collective afin de me familiariser avec ce groupe, de trouver une porte d’entrée, une façon d’appréhender leur musique. Mal m’en a pris. Cela n’a fait qu’ajouter à ma confusion et j’ai laissé tombé. J’ai mis Animal Collective dans un coin en me promettant d’y revenir de temps en temps, on ne sait jamais… Ce que j’ai effectivement fait mais sans succès. Jusqu’au jour où…

J’ai succombé au charme Animal Collective à peu près au milieu du morceau Bro’s de Panda Bear. On peut appeler cela un déclic. Il est vrai qu’entre temps j’ai découvert la musique folk « bizarre » des années 60 et 70 (Pearls before swine, Comus, Incredible string band…) et me suis également familiarisé avec les Beach Boys (Pet sounds, Smiley Smile…) Cela a certainement aidé. Bro’s a été pour moi une sorte de décodeur. La musique que j’avais eue du mal à percer est subitement devenue limpide. Boucles, accords répétitifs martelés, mélodies douces, voies candides et sucrées à la limite du puéril et de l’amateurisme. La musique d’Animal Collective est douce, enfantine et attachante. Cela peut sembler être du grand n’importe quoi sans queue ni tête, voire de la fumisterie. Il n’en est rien. Les membres d’Animal Collective savent exactement ce qu’ils font et ils le font avec une telle sincérité et une telle générosité que ça en devient presque gênant : comme si l’on écoutait de la musique qui ne nous était pas destinée, quelque chose d’intime et de bricolé qui n’aurait pas dû dépasser le cercle restreint de la famille et des amis. Cela est tout particulièrement vrai pour Campfire Songs qui peut être vu comme une démo de l’album Sung Tong qui suivra l’année suivante.

Campfire Songs est un disque intimiste, brut et dépouillé. De la musique faite par trois amis sous un porche quelque part dans la campagne du Maryland. Jamais encore je n’ai eu l’impression, en dehors de certains albums de jazz, d’entendre une musique d’une telle spontanéité, qu’elle semble prendre corps sous mes yeux. A chaque nouvelle écoute c’est comme si les membres d’Animal Collective donnaient vie à la musique ici et maintenant. Elle est belle et simple, presque physique, l’écoute équivaut à une expérience concrète. La prise de son y est pour beaucoup dans le rendu de l’intimité et de la quasi-matérialité de l’album. A la musique viennent se mêler, les bruits environnants : pluie, vent, bruissement des feuilles, insectes, oiseaux, un avion qui passe… Autant d’anecdotes, d’histoires qui apportent une épaisseur, une toile de fond sur laquelle les guitares et le voix s’entrelacent et se croisent. Le lieu, ce porche de maison, cet environnement familier devient le quatrième membre de la session.

L’intimité rend les choses les plus simples, grandes et poignantes. Elle transcende l’expérience, la magnifie. Il en est de même pour Campfire Songs. Le sentiment de familiarité et d’abandon rend cette musique plus belle. Les accords répétitifs, les mélodies fantomatiques, les voix légères qui la composent, ne tiennent que par le mince fil qu’est empathie que l’auditeur se doit d’avoir envers cette musique fragile. Sans elle tout s’écroule ; la candeur, la naïveté et la simplicité deviennent ridicules.

Campfire Songs est sublime mais d’une sincérité et d’une candeur qui peuvent mettre mal à l’aise. Ecoutez l’album d’une oreille amicale, ne vous laissé pas rebuter par ce qui peut à première vue paraître de la maladresse. Il vous tend la main, saisissez-la, vous aurez un ami pour la vie.

Animal Collective, Campfire Songs, Catsup Plate, 2003

Nirvana – From the Muddy Banks of the Wishkah

11 juin 2009

Nivana_from_the_muddy

Ma copine vient de s’acheter des SIMS 3 et monopolise désormais l’ordinateur. Je me suis donc acheté un petit carnet pour écrire mes billets car je n’ai plus accès au traitement de texte. En commençant mon premier article fait main (que j’ai mis en pause pour écrire celui-ci) je me suis vite rendu compte que le dictionnaire des synonymes intégré au logiciel me manquait. Hop , je prends la voiture et vais faire un tour à l’espace culturel pour en acheter un en format papier. Direction le rayon dictionnaires. J’en choisi un (le Robert) et pars faire un tour au rayon musique. Comme d’habitude il y a beaucoup de tentations mais je résiste. Je me dirige enfin vers les caisses et passe devant un bac de promos. Mon œil est attiré par des CDs de Brian Eno et puis je vois From the Muddy Banks of the Wishkah. Je ne sais pas très bien pourquoi je n’ai pas acheté cet album à sa sortie en 1996, vu que Nirvana était un de mes groupes préférés. J’étais fan de ce qu’on appelait alors Grunge, je voulais connaître tout ce qui émergeait de Seattle. Aujourd’hui je me demande ce que Grunge peut bien vouloir dire tant il y a maintenant à mes yeux peu de points communs entre Nirvana, Pearl Jam, Soundgarden, Alice in Chains et les Screaming Trees. A l’époque j’étais jeune, j’étais à fond dedans, je ne me posais pas la question et j’avais bien raison. Enfin bref, à la vue de ce CD je me dis que je réécouterai bien un peu de Nirvana, chose que je n’ai pas faite depuis des années sauf peut être le Unplugged, mais cela est une autre histoire.

Quand Nirvana a explosé en 1991 avec la sortie de Nevermind, j’étais jeune (11 ans) et j’écoutais de la dance. 2 Unlimited était le meilleur groupe du monde. Comme beaucoup de personnes à l’époque j’ai découvert Nirvana avec  Smell like teen spirit et comme beaucoup de personnes j’ai bien aimé. Cependant la musique du groupe n’a pas changé ma vie et j’ai continué à écouter de la Dance et un peu de U2 aussi. Ma voisine était fan absolue du groupe, elle n’écoutait que ça. Elle a bien essayé de me convertir mais pour mes oreilles d’adolescent de 11 ans Nirvana était inécoutable, c’était du bruit. Je trouvais cela hyper violent et crade, je n’aimais que les singles. J’étais pourtant assez intrigué par le côté sulfureux du groupe. Charles Louis, le mec le plus cool de ma classe (il avait les cheveux longs et portait des Doc Marteens et des Levis 501) m’avait certifié que pendant leurs concerts, les personnes du premier rang se vomissaient les uns sur les autres. La musique de Nirvana ne m’est devenue accessible qu’après la mort de Kurt Cobain. Même si je ne connaissais pas très bien le groupe à l’époque, je me souviens en revanche très bien de l’instant où j’ai appris la mort de Kurt Cobain. C’était en allumant la radio. Il y avait une chanson de Nirvana qui passait, une autre a suivi, puis une autre encore. Il y a eu un bruit d’appareil médical qui indique les pulsations cardiaques. Bip – Bip – Bip – Bip – Biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii. Silence. Le présentateur a annoncé que Kurt Cobain le leader de Nirvana s’était donné la mort. C’était sur M40 (quelqu’un se souvient de cette radio ?). Après ces mots la musique du groupe ne sonnait plus pareil pour moi. J’ai écouté l’émission spéciale dédiée à Nirvana jusqu’à la fin sans trop réaliser ce qui se passait mais en sentant que quelque chose avait changé. Quand on a 14 ans l’idée de la mort est assez lointaine et c’est comme si je venais d’assister en direct à celle de Kurt Cobain. La musique de Nirvana n’était plus seulement cool et à la mode. Subitement elle devenait l’œuvre d’un homme, l’expression de trop de souffrances si terribles que leur auteur ne voulait plus vivre. Les chansons n’étaient dès lors plus de l’ordre du divertissement mais elles acquéraient une stature, une aura supérieure qui leur conférait le statut d’une œuvre d’art, la puissance d’un symbole. Subitement elles me touchaient, me parlaient, me fascinaient. Le bruit se muait en extériorisation d’une douleur intérieure. Puis Nirvana est devenu une icône, un monstre sacré au panthéon du rock, le symbole des années 90. Kurt Cobain, génie suicidaire est devenu un cliché surexploité. Un consensus mou s’est installé, le marketing adolescent a vidé Nirvana de sa substance. Reprendre une chanson du groupe pourra même servir de caution rock pour la Star Académie.

J’ai continué à aimer la musique de Nirvana mais je l’ai écouté de moins en moins souvent, je suis passé à autre chose (ceci n’est pas un mea culpa. Passer à autre chose, continuer de découvrir de nouvelles musiques est salutaire. Ecouter continuellement la même chose, ne pas tuer ses idoles ne serait-ce qu’un instant est le premier symptôme de la vieillesse). Réécouter les morceaux de Nirvana sur From the Muddy Banks of the Wishkah est une bouffée d’air frais. Ce live est en fait un assemblage de différentes performances s’échelonnant entre 1989 et 1993 mais le gros des titres a été enregistré en 1991. Il témoigne de la sauvagerie et de l’énergie dont le groupe pouvait faire preuve sur scène. Les  morceaux sont délivrés avec hargne et fureur. Le groupe est constamment sur la brèche et dévaste tout sur son passage. Ce live est brut et sauvage, terriblement agressif. Le son est crade et Kurt Cobain hurle de toute sa voix éraillée. On est bien loin des versions studios propres et bien produites. Il suffit d’écouter la version démentielle de Aneurysm ou la rage électrique qui se dégage de Smell Like Teen Spirit, morceau pourtant usé jusqu’à la corde par les médias. Scentless Apprentice est frénétique et au bord du chaos, Negative Creep complètement ailleurs. Cerise sur le gâteau, le choix des titres est loin d’être consensuel. L’album n’est pas un best of live. Il n’y a que peu de singles et la part belle est fait aux morceaux les plus hargneux du groupes voire même aux faces B.

Cela faisait près de 14 ans que je n’avais pas acheté un album de Nirvana mais je retrouve les sensations de mon adolescence. De cette musique se dégage toujours un sentiment d’urgence, de perte de contrôle, de menace et de danger qui avaient tant marqué mon imagination adolescente. Sur From the Muddy Banks of the Wishkah, Nirvana sonne comme un groupe éternellement jeune. Leur musique exalte la vie, la colère et l’énergie. Elle est la quintessence d’une certaine idée du rock : la déflagration furieuse d’une force primaire et vitale.